Docteur ! Qando etiam sapientibus cupido gloriae novissima exuitur !
Par cette citation de Tacite (Histoires) ("même pour les sages, la passion de la gloire est la dernière dont on se dépouille") je comprend mieux ce vain orgueil qui est monté en moi comme une fusée au ciel le jour de ma thèse. Mais aujourd'hui, que reste-t-il de cette gloire ? Un écrit, un travail, mais surtout du travail et c'est la que la balance se déséquilibre, combien de frustrations, d'efforts, de labeur pour ces quelques deux lettres devant un nom qui dans la masse ne se détache que par sa majuscule. Alors la gloire, ce prêt de puissance, cet emprunt éphémère qu'on rembourse un jour l'autre à coup de sueur (et même de sueurs froides dans certains cas) n'aurai-je pas commencé à le rembourser par anticipation, un viager de gloire que l'on consomme comme un enfant gâté en quelques instants sans en apprécier le goût ?
Désormais la vie paisible (peut être trop), la vie machinale et répétitive, l'ennui en somme a repris le dessus, la coutume vient installer son lot de moralité dans ce capharnaüm d'actions égoïstes menées dans toutes les directions à l'image des cendres d'un feu d'artifice dont l'énergie se perd dans l'unique but de distraire. Car oui la morale est issue de la coutume et comme on peut le lire dans un certain ouvrage : « la moralité n’est rien d’autre (et donc, surtout, rien de plus) que l’obéissance aux mœurs, quelles qu’elles soient ; or les mœurs sont la façon traditionnelle d’agir et d’apprécier. Dans les situations où ne s’impose aucune tradition, il n’y a pas de moralité ».
Alors comme l’abeille dans sa ruche, je vaque à ma tâche en obéissant à la loi populaire et je construis l’avenir déchus que la société m’offre ne pouvant lever la tête, engluer dans la foule ne comprenant ma pensée. Je travail pour l’argent, autre invention de la société, la gloire du pauvre d’esprit, dans cet Etat où le lent suicide de chacun s’appelle la vie. Dans cette dictature populaire où l’on cherche désespérément un dictateur humain, au lieu de le chercher dans la gloire, la gloire de l’intellect et du savoir pensée par Socrate, la gloire financière et la gloire divine ; où même les pauvres en argent (et surtout en esprit, je veux bien sur parler des chrétiens) glorifie un Dieu qu’ils se refusent à reconnaître en eux. Car quelle est la valeur de ce sentiment pouvant faire avancer les Hommes par delà bien des obstacles, une valeur énorme, un poids lourd j’espère, pouvant équilibrer la balance d’une vie où cette illusion rend supportable une existence qui, perçue lucidement, ne le serait pas.
Sans gloire, la morosité de notre vie resterait insupportable, alors, abandonnons nous à cette facilité qu’est la gloire, pour nous payer de notre existence, tant qu’on peut l’utiliser. Mais après, que reste-t-il ? Des Hommes, simplement des Hommes, les marionnettes d’un univers qu’ils pensent égoïstement créé pour eux et peut être même par eux enfin leur esprit.
Guillaume